Va-t-on vers une évolution des critères RE100 ? L’initiative RE100 rassemble des multinationales engagées dans la consommation d’électricité d’origine renouvelable. En début d’année, elle a ouvert une consultation sur des propositions de modification de ses critères techniques. Évidemment, cela concerne en partie les Energy Attribute Certificates.
RECS International a répondu à cette consultation. En tant que membre de l’association et partenaire de plusieurs entreprises adhérentes à RE100, Origo se joint à la réponse de RECS. Nous vous faisons part de nos avis sur la question.
Les frontières du marché électrique européen remises en cause
La première modification des critères RE100 proposée concerne les frontières du marché électrique européen. Actuellement, une entreprise européenne peut utiliser des Garanties d’Origine dans tous les pays de l’Union européenne ou appartenant à l’Espace Economique Européen [1]. Or, de nombreuses entreprises adhérentes à RE100 soutiennent également le Carbon Disclosure Project (CDP)… Projet qui considère le périmètre de l’AIB [2] comme l’unique marché européen. Cette contradiction entre les deux organisations est problématique. Dans cette optique, la RE100 souhaite s’aligner aux contraintes du CDP pour simplifier la situation.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Une entreprise située en Roumanie peut – pour le moment – acheter une GO issue d’un pays membre de l’AIB pour sa consommation (appelée ex-domain). Ne faisant pas partie de l’AIB, elle ne pourra plus le faire si la RE100 s’aligne sur les critères du CDP.
RECS International recommande de limiter les frontières du marché aux membres de l’AIB et/ou de l’UE/EEE/AELE. Cela permettrait de reconnaitre les règles de l’EECS [3] et celles du marché européen définies par la loi. L’AIB ne doit pas avoir plus de poids que les différentes organisations européennes concernant la revendication d’une consommation d’électricité renouvelable.
Au-delà de donner une dimension juridique aux standards de l’AIB et de l’EECS, cette redéfinition des frontières du marché limiterait de nombreuses entreprises. Faute de solutions simples dans certains pays exclus, elles ne pourront pas atteindre les 100% de consommation d’électricité renouvelable.
Critères RE100 : l’élargissement de l’approvisionnement de l’électricité dans certains cas
La RE100 souhaite donner la possibilité aux consommateurs d’un pays d’utiliser des EAC de pays ayant une connexion physique. Pour l’heure, en dehors du marché européen et nord-américain, les membres de l’initiative doivent revendiquer une consommation d’électricité renouvelable provenant du même pays de consommation.
Le changement de stratégie devrait toutefois remplir différentes conditions :
- La participation à un PPA ou l’achat d’EAC,
- Le volume d’électricité revendiqué doit être physiquement échangé par le(s) producteur(s) via les interconnexions électriques entre les deux pays,
- La délivrance d’EAC reconnus dans les deux pays doit être spécifiée dans le PPA,
- Un mix résiduel doit être calculé dans les deux pays concernés.
RECS International encourage les utilisateurs à acheter une électricité renouvelable issue du même marché que la consommation. Lorsque cela est nécessaire, l’organisation accepte l’utilisation d’EAC provenant d’un marché voisin. RECS considère que l’existence d’une capacité de transport physique entre deux pays justifie la possibilité d’utiliser des EAC pour les deux pays indistinctement. La nécessité de vérifier les flux physiques n’est pas pertinente, car c’est complexe et théoriquement injustifié. Nous pensons qu’il faudrait se soucier davantage de la saturation des interconnexions que d’un sens du flux.
C’est une bonne chose que de laisser aux entreprises la possibilité d’acheter des EAC à leur pays voisins. Cela obligera peut-être les pays d’où vient la consommation à mettre en place des systèmes pour soutenir le développement local des EnR. Par ailleurs, cela permet aux consommateurs de bénéficier d’une liquidité suffisante pour s’engager, tout en ayant un impact sur des zones électriques interdépendantes.
Une consommation d’électricité provenant de centrales de moins de 15 ans intégrée dans les nouveaux critères RE100
La RE100 souhaite enfin intégrer une limite de 15 ans d’âge aux centrales de production couvrant la consommation de ses membres. L’organisation justifie cela par une volonté d’accélérer la transition du réseau électrique mondiale plutôt que de s’appuyer sur les capacités existantes.
RECS International pense que ce type de démarche devrait être laissé à la stratégie de chaque entreprise. De plus, de nombreux labels permettent déjà de valider une stratégie avec un impact supplémentaire que le simple achat d’EAC. Parmi eux, EKOenergie, TUV, Green-e, etc.
Chez Origo, nous sommes alignés avec la position de RECS International. Nous estimons que la complexification des critères décourage les entreprises à atteindre leur objectif de 100% de couverture de leur consommation électriques via des EAC renouvelables. Or, c’est cette volonté d’atteindre un mix 100% renouvelable qui va peser durablement et efficacement sur le marché. Cela passera par l’investissement dans de nouveaux moyens de production ainsi que dans la maintenance des moyens existants.
En conclusion, nous pensons que la RE100 devrait garder une certaine flexibilité dans ses critères, pour recruter de nouveaux membres. Plus la demande en énergies renouvelables sera grande, plus les marchés et les organisations gouvernementales devront y répondre par des moyens conséquents. Pour cela, la RE100 doit accompagner les entreprises dans leur démarche en tenant compte des difficultés physiques et législatives existantes. La maturité des marchés viendra naturellement par la suite.
[1] https://www.there100.org/sites/re100/files/2020-10/Note%20on%20Market%20Boundaries.pdf
[2] Association of Issuing Bodies : association des pays suivants les mêmes règles de certification et de marché des GO
[3] European Energy Certification System : standard de certification des pays membres de l’AIB