La valeur des énergies renouvelables
Origo défend l’idée que le développement des énergies renouvelables ne peut se faire de manière durable et efficiente que si le consommateur est convaincu de sa valeur.
En effectuant un acte d’achat volontaire, en acceptant de payer pour un produit de qualité, le consommateur valide le fait qu’il faille investir dans des moyens de production propres et favorables au développement du pays.
Les systèmes de taxes et subventions, sont basés sur l’idée que développer les énergies renouvelables justifient deux choses : l’imposition par la force aux contribuables de payer et la sur-rémunération des investisseurs. Ces systèmes sont indéniablement valables dans des phases d’amorçage afin de créer un secteur industriel. Mais sur le long terme, ils présentent des limites.
Voici une description des mécanismes de soutien déployés aujourd’hui en France et en Allemagne ainsi qu’une évaluation des réussites et limites de financements basés sur des taxes et subventions nationales.
1. Les financements sur la base d’obligation d’achat de l’électricité renouvelable à un prix fixé par l’Etat.
France : Le choix d’un mécanisme de prix rémunéré avec la CSPE
En France, les pouvoirs publics ont décidé de soutenir le développement de l’électricité verte grâce à un mécanisme d’obligations d’achat à un prix fixé préalablement. Ainsi, les prix de marché de l’électricité cotés sur EPEX SPOT au troisième trimestre 2016 se sont établis à respectivement 32,3 €/MWh et 32,8 €/MWh d’après la CRE quand les coûts moyens de rachat d’EDF étaient de 82€/MWh pour l’éolien ou de 498,1€/MWh pour le photovoltaïque.
Depuis 2003 les nouveaux moyens de production d’électricité à partir d’énergie renouvelable peuvent être subventionné par le système de l’obligation d’achat où EDF est dans l’obligation d’acheter l’électricité à un prix déterminé par l’Etat. Depuis 2017 ce système est remplacé par le complément de rémunération. Désormais le producteur verra sa rémunération suite à la vente de son électricité sur le marché complétée d’un complément de rémunération pour atteindre un prix déterminé par l’Etat.
Cette obligation de service public supportée par les opérateurs est financée par une taxe, la Contribution au Service Public de l’Electricité (CSPE). Instituée par la loi n°2003-08 du 3 janvier 2003, cette taxe est acquittée directement par le consommateur final via sa facture. Cela consiste donc à dire que le consommateur finance de manière obligatoire et contrainte le développement des énergies renouvelables.
La particularité de cette taxe est qu’elle sert à rémunérer un pool de surcoût. Sont compris :
- Les surcoûts de production d’électricité Outre-Mer et dans les îles (système de péréquation tarifaire)
- Les politiques de soutien aux énergies renouvelables
- Le tarif social pour lutter contre la précarité énergétique
- Les politiques de soutien aux centrales à cogénération
Les vocations diverses de cette charge rendent difficile la lecture d’une taxe qui est pourtant en constante augmentation et pèse désormais près de 10% dans la facture du consommateur final.
Évolution de la CSPE
Il est intéressant de noter que depuis 2011, le poste « énergies renouvelables » est le plus coûteux, passant devant celui de la péréquation tarifaire historiquement le plus important. A partir de cette date, la charge de la CSPE est devenue de plus en plus importante, passant de 2,5 Mds€ en 2010 à plus de 6,3 Mds€ en 2015, essentiellement du fait de l’accroissement de la quantité d’électricité verte injectée dans le réseau.
Comme le montre ce graphique, le montant unitaire de la CSPE s’est accru et c’est donc cela, et non une augmentation du nombre de consommateur, qui explique l’augmentation globale de la CSPE. Les consommateurs paient donc plus. Depuis le 1er janvier 2016, le montant unitaire de la CSPE est de 22,5 € par MWh consommé contre 4,5 €/ MWh entre 2004 et 2010, soit une multiplication par cinq du montant.
Pourtant, la CSPE appliquée ne couvre pas les charges de service public qui augmentent avec l’accroissement de la part de production d’électricité verte. Le prix de l’électricité étant un sujet hautement politique, l’exécutif décide bien souvent de contenir sa hausse et de ne pas suivre les propositions de la CRE (points rouges sur le graphique). Ce choix a pour conséquence de creuser les charges d’EDF, du fait du manque à gagner entre les tarifs de rachat et la rémunération de la CSPE.
La CSPE permet donc de soutenir un secteur en plein développement, mais à un prix assez élevé. Qu’en est-il ailleurs en Europe ?
Allemagne : le coût de la transition énergétique supporté par les contribuables et les PME
L’Allemagne a opté pour un système de soutien par les prix via la loi de promotion des énergies renouvelables Erneuerbare-Energien-Gesetzt, plus connue sous l’acronyme EEG. Le bras financier de cette loi est une taxe, l’EEG-Umlage, qui comme la CSPE fait partie intégrante de la facture d’électricité du consommateur. Les différences étant que l’EEG-Umlage est intégralement destinée à financer les énergies renouvelables et qu’elle ne s’applique pas aux grandes entreprises.
Son impact est très important puisque cette taxe uniquement supportée par les particuliers et les PME (les grands comptes et les industries électro-intensives en sont exemptés pour cause de compétitivité) a crû jusqu’à atteindre 6.88 centimes d’euro par kWh (64.2€/MWh), amenant le prix de l’électricité en Allemagne à atteindre 30 cts/kWh contre 13,7 cts France, soit plus du double.
2. Pour quels résultats ?
Si les politiques de soutien à l’électricité verte coûtent cher au contribuable, elles ont été très efficaces à plusieurs égards.
On retiendra 3 effets positifs des subventions au renouvelable : la progression de la capacité installée électricité renouvelable, la hausse de la production et la diminution des rejets de CO2 dans l’atmosphère. On pourra mesurer les réussites de cette politique par rapport aux objectifs « 3×20 » de l’Union Européenne sur le climat.
Une forte augmentation des capacités installées…
Les mécanismes de soutien au renouvelable ont considérablement dynamisé le secteur. La capacité installée de sources renouvelables en Europe s’est développée de manière importante depuis le début des années 2000. Cette hausse touche en particulier le photovoltaïque et l’éolien. Les installations alimentées par le soleil et le vent sont quasi-inexistantes en 2000 : le photovoltaïque et l’éolien représentaient moins de 3% des installations énergétiques. Aujourd’hui, ces parts sont passées respectivement à 9% et 13%. Au total, les installations de renouvelable sont passées de 24,5% à 39,6% du parc énergétique européen.
A titre d’exemple, par rapport à la France, la hausse des capacités installées est plus forte en Allemagne où elle a été multipliée par plus de 2 entre 2008 et 2013.
…qui débouche sur une hausse de la production d’électricité verte
La politique de soutien au renouvelable a fortement contribué à la hausse de la production électrique à partir de sources renouvelables. En France, elle est passée de 4321 Gwh à 26636 Gwh en 8 ans. Cette hausse touche toute l’Europe, où les sources renouvelables sont de plus en plus utilisées, au détriment des combustibles fossiles et du nucléaire.
L’électricité verte permet une baisse des émissions de CO2 :
Mécaniquement, la hausse de la part du renouvelable dans les sources de production de l’électricité a conduit à une baisse des émissions de gaz à effet de serre. La baisse est visible et continue depuis les années 2000. Le niveau historiquement bas des émissions de GES en 2009 s’explique en grande partie par le ralentissement de l’activité économique du fait de la crise.
Des objectifs européens en passe d’être atteints :
Au regard des objectifs 3×20 de l’UE, les résultats sont aujourd’hui globalement positifs (graphe 8) bien qu’il existe des disparités entre les États. Si l’objectif de réduction de la consommation énergétique n’est pas impacté par les politiques d’aide au renouvelable, les deux autres objectifs y sont directement liés.
Concernant la diminution de 20% d’émissions de gaz à effet de serre (pour 2020, par rapport au niveau de 1990), l’objectif semble sur le point d’être atteint : selon l’Agence Européenne de l’Environnement, l’UE a réussi à faire baisser les émissions de 19% en 2012. Cependant, si des États sont plus avancés que d’autres, selon l’AEE, certains comme l’Autriche ou la Finlande n’arriveront pas à atteindre leur objectif d’ici 2020.
La part d’énergies renouvelables dans la consommation représente 15,2% en 2012 (graphe 9). Il manque donc 6% pour réaliser l’objectif 2020. Mais ici encore, certains pays ont déjà atteint cet objectif comme la Suède et le Danemark, tandis que d’autres sont à la traîne comme le Royaume-Uni.
Les politiques de soutien aux énergies renouvelables ont finalement rempli leur principale mission : augmenter la part des sources renouvelables dans la production électrique.
Néanmoins, les subventions au secteur du renouvelable ont aussi des impacts négatifs et des limites qu’il convient d’analyser.
3. Quelles sont les limites ?
Quatre limites aux subventions pour le renouvelable
Comme tout soutien public à un secteur économique, les subventions aux énergies renouvelables présentent des limites. Le principal inconvénient reste le coût de cette politique, supporté par le contribuable. Les subventions font aussi peser sur le secteur un risque d’effet d’aubaine. On peut ajouter à cela un risque juridique et un aléa politique.
Une politique chère pour le contribuable
Les subventions au renouvelable consistent, à travers la garantie d’un tarif d’achat, en une rémunération automatique de tout producteur d’énergie à partir de sources renouvelables. La politique de soutien au renouvelable en France comprend également les appels d’offres, le crédit d’impôt développement durable (CIDD), le Fonds chaleur et les aides à la recherche. Le tarif d’achat reste le dispositif le plus couteux et le plus controversé, c’est pourquoi il ne sera question que de ce mécanisme dans cet article. C’est aussi le mécanisme le plus répandu en Europe. Celles-ci sont supérieures au prix du marché et sont financées par la puissance publique par l’intermédiaire d’une taxe payée par le contribuable. Depuis 2014 en France, les contribuables peuvent trouver sur leur facture un montant correspondant à la Contribution au Service Public de l’Electricité (CSPE), qui s’élève aujourd’hui à 2,25€ le kilowattheure. A titre de comparaison, en Allemagne, la taxe équivalente (EEG) s’élève à 6,88 €/kWh. Ainsi, la Cour des Comptes estime que d’ici 2020, le coût de la CSPE représentera une somme de 40,5Md€.
L’efficience économique sacrifiée aux effets d’aubaine
Les tarifs d’achat, fixés par l’Etat, s’opposent par nature à la régulation par le marché. Le prix est fixé artificiellement, et cela génère des effets d’aubaine puisque tout producteur de renouvelable est sûr d’être rémunéré. Récemment, la Commission de Régulation de l’Energie a ainsi estimé que les tarifs d’achat peuvent donner lieu à des rentabilités « parfois excessives » pour les investisseurs. Les tarifs ont déjà dû être révisés en 2010 à cause de ce problème.
Par ailleurs, les montants des tarifs d’achat diffèrent en fonction des Etats européens et aiguillent les choix des investisseurs à installer une éolienne dans tel Etat et un parc solaire dans un autre. Or, cela mène à des situations absurdes où l’efficience économique n’est pas prise en compte. On voit par exemple qu’une grande partie de l’éolien se trouve en Espagne, et la majorité du solaire en Allemagne.
Les aides d’État et le risque juridique
Étant contraire aux règles de la libre concurrence, toute subvention étatique est encadrée par la loi, laissant une possibilité de risque juridique. Une illustration en est la récente affaire « Vent de colère ». En 2008, la fédération d’associations anti-éolien Vent de Colère dépose un recours contre les tarifs d’achat à l’éolien qu’elle estime illégaux car ils n’ont pas été notifiés à la Commission européenne, alors que c’est obligatoire pour toute aide d’État. Fin mai 2014, le Conseil d’État donne raison au requérant : le tarif est annulé, et met en danger toute la filière. Suite à cela, un nouveau tarif en bonne et due forme a été mis en place et assure les mêmes conditions de vente. Cependant, Vent de Colère a affirmé que le texte sera susceptible d’affronter de nouveaux recours. Cette affaire illustre les problèmes juridiques complexes que peut susciter une aide d’État sur laquelle repose un secteur entier de l’économie, même s’il ne s’agissait ici « que » de l’éolien.
Aléa politique : panique sur les marchés, dépendance et corruption
Les subventions dépendant de la volonté de la puissance publique, il existe aussi un risque d’aléa politique. On peut citer deux faits d’actualité : le cas espagnol et le cas tchèque.
Le cas espagnol illustre les risques liés à la dépendance de l’économie à l’Etat. L’Espagne a massivement investit dans le renouvelable dès 1998, ce qui a généré une dette énergétique conséquente (26 Mds de dollars en 2013). Avec la crise, alors que le prix de l’électricité augmente, le gouvernement entre dans une spirale de baisses des tarifs de rachat et de suspensions inattendues des subventions, minant la confiance des investisseurs et menaçant des milliers d’emplois.
En République Tchèque, il s’agit de cas de corruption. L’Etat a installé en 2005 un système de tarifs de rachat pour le solaire. Or en 2008, les prix ont chuté et on a assisté à un « boom du solaire », qui a entraîné une série de scandales de corruption touchant des élus. Ces « barons du solaire » auraient ainsi détourné plus de 7 millions d’euros, jusqu’à ce que le tarif soit finalement ajusté. Cette affaire a complètement discrédité le solaire, qui ne devrait toucher plus aucune subvention dès 2015.
Conclusion : L’électricité, service public ou bien de consommation ?
Les subventions aux énergies renouvelables sont finalement une décision politique et étatique destinée à promouvoir l’investissement et la consommation, entre autres, d’une électricité verte. Ce mécanisme comporte des limites, mais le problème ne serait-il pas plus profond ? Nous avons tendance à voir la fourniture d’électricité comme un service public, or aujourd’hui, c’est un bien de consommation qu’on peut choisir. La solution est de passer d’un système de financement par le contribuable à un système où prime le choix du consommateur. Si renoncer totalement aux subventions parait illusoire, une plus grande place aux mécanismes de marché permettra de gagner en efficacité, tant pour évaluer la valeur des investissements que pour optimiser géographiquement le potentiel énergétique européen.
Si comme nous vous êtes désormais convaincus que les garanties d’origine sont l’avenir de l’électricité verte, rendez vous sur le site origo.energy.